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Le rôle crucial des enseignantes : le cas de l’Afrique de l’Ouest et Centrale

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La présence d’enseignantes dans les écoles et à tous les niveaux de la scolarité est essentielle à la fois dans un esprit d’égalité de genre mais aussi par souci d’efficacité dans le système éducatif en général. Leur représentation dans les écoles diffère selon les pays : au Bénin par exemple, elles représentent 30% des enseignants du primaire, alors qu’au Niger, 51% (UNESCO 2020b ; Assane Igodoe 2019) . Globalement, elles représentent moins de 50% du corps enseignant en primaire, et moins de 30% dans l’enseignement secondaire (UNESCO 2021). Leur participation chute drastiquement au sein de l’enseignement supérieur. 

Pourtant, elles ont un rôle essentiel dans l’avancement de l’éducation des filles et dans la transformation sociale des rapports de genre au sein de leurs communautés.

  • Elles encouragent les familles à envoyer leurs filles à l’école

Selon l’UNESCO, le genre constitue l’un des facteurs les plus importants pour créer des classes inclusives (2020a). Il est démontré que la présence de femmes dans le corps enseignant permet d’encourager la scolarisation des filles (2021). Promouvoir l’éducation, notamment celle des filles permet d’initier de nombreux changements mesurables à long terme : une mère instruite peut être plus susceptible d’envoyer sa fille à l’école qu’une mère n’y ayant pas eu accès (2020b). À partir de ce constat, il est possible de voir à quel point de réelles transformations sociales peuvent être observées sur plusieurs générations lorsque les filles sont encouragées à fréquenter les bancs de l’école.

  • Elles donnent des modèles de réussite sociale et professionnelle féminine

D’autre part, les enseignantes sont un modèle de réussite sociale et professionnelle (Assane Igodoe 2019). Ce rôle de modèle féminin est particulièrement important dans les milieux ruraux, où les rôles sociaux sont importants et où la scolarisation des filles est la plus basse, mais aussi de manière plus transversale au sein de la société. Le manque de modèles féminins dans les postes à haute responsabilité ou dans les processus de prise de décisions, ainsi que la faible participation des femmes à l’enseignement supérieur n’encouragent pas les filles à cheminer vers ces rôles (Ministère de l’éducation du Rwanda 2018).

Les enseignantes jouent donc un rôle de modèle féminin accompli professionnellement et socialement, ce qui peut à la fois rassurer les parents attachés aux normes sociales et inspirer les filles à rêver plus grand. 

  • Elles permettent d’accroître le sentiment de sécurité et de représentation

La présence d’enseignantes dans les écoles permet aussi de rassurer les parents quant à la sécurité de leurs filles (Assane Igodoe 2019). Celles-ci permettent de prévenir certaines violences basées sur le genre et comprennent mieux (que leurs homologues masculins) les formes de discrimination que pourraient vivre les écolières. 

Les défis qui subsistent en enseignement et dans le secteur de l’éducation

Tout d’abord, les pays d’Afrique de l’Ouest et centrale manquent de personnel enseignant, qu’ils soient hommes ou femmes. En 2015, selon l’UNESCO, il manquait 69 millions d’enseignant·e·s pour atteindre l’objectif du développement durable n°4 (2020a). Au Ghana, par exemple, les enseignant·e·s les plus qualifiés abandonnent parfois leurs fonctions pour aller dans d’autres secteurs, où les conditions de travail sont meilleures (2021). Dans les pays subsahariens comme le Burkina Faso, le Mali et le Sénégal, les enseignant·e·s quittent leur emploi à cause de la détérioration des conditions de travail, notamment liée à la pénurie de matériel (2021).  Il·elle·s se voient également obligés d’abandonner leurs fonctions lorsque leur sécurité et leur intégrité physique sont mises à mal, notamment par des attaques terroristes (2021). De même, l’instabilité et la précarité liées aux contrats temporaires (à durée déterminée) dissuadent particulièrement les enseignantes à postuler dans le milieu, surtout dans les zones rurales.  Il y a une pénurie d’enseignant·e·s, dans ces zones, en partie à cause des conditions de travail peu favorables comparé aux zones urbaines et notamment au manque de formations professionnelles continues accessibles. 

En outre, les femmes sont également sujettes à plus de pressions sociales (Assane Idogoe 2019). Il est souvent attendu de celles-ci qu’elles favorisent l’apprentissage des normes sociales féminines aux filles, et leur vie personnelle peut être davantage mise en cause (notamment si elles sont célibataires).

Finalement, les enseignantes ont été touchées plus durement par la pandémie de COVID-19. En effet, les partenaires du Programme CLÉ au Cameroun ont témoigné que les classes avaient dû être séparées en deux, ou trois groupes, obligeant les enseignant·e·s à donner plusieurs fois le même cours. Les femmes ont dû ajouter cette nouvelle charge de travail aux obligations de travail familial et domestique qu’elles avaient déjà, les surchargeant ainsi de travail de manière disproportionnée par rapport à leurs collègues masculins (CEFAN, 2022). 

Pour conclure, l’augmentation des effectifs d’enseignantes est primordiale dans l’instauration d’un climat propice à la scolarisation des filles et à la reconnaissance des enjeux spécifiques qui s’y rattachent. Le continent manque également d’enseignant·e·s de manière générale, et ceux-ci ne disposent pas toujours de conditions de travail permettant leur rétention dans le système éducatif. Les conditions ne sont pas non plus toujours favorables à l’accroissement de la participation féminine dans le corps enseignant, notamment lorsqu’il y a de la violence et des normes sociales restrictives. La pandémie de COVID-19 a aussi été un enjeu d’accentuation des inégalités existantes, à la fois au sein de l’école mais aussi des communautés plus largement.

L’éducation est un grand défi actuel que le monde entier doit relever, pour l’atteinte des objectifs de développement durable mais surtout pour l’avènement de sociétés plus égalitaires et inclusives. Nous assistons à une multiplication des engagements globaux et des initiatives locales et internationales allant dans ce sens, comme le Global Partnership for Education, qui a permis d’augmenter la scolarisation des filles par exemple, ainsi que les sources de financement (GPE 2022). À titre d’exemple, dans le cadre du projet le programme de Partage de connaissances et d’innovations (KIX) du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), la Fondation Paul Gérin-Lajoie, le Forum des éducatrices africaines (FAWE) et le Laboratoire de recherche sur les transformations économiques et sociales de l’Université Cheikh Anta Diop (LARTES), se penchent sur la question de l’égalité de genre en éducation. Afin d’évaluer l’efficacité des différentes composantes et appuyer la mise à l’échelle du modèle des écoles sensibles au genre du FAWE comme réponse innovante au défi de l’égalité des genres et succès des filles.

Ce projet de recherche visant à améliorer l’accès et la réussite des filles à l’école permettra à terme de fournir des pistes d’actions concrètes aux décideurs en matière d’éducation. Ce type d’initiatives laisse présager une amélioration progressive des inégalités en milieu scolaire, à la fois au niveau des enseignantes et des apprenantes.

Bibliographie

Assane Igodoe, Aissata. 2019. « La complexe imbrication des facteurs de la mise à l’école des filles en afrique subsaharienne : l’exemple du Niger ». Agora francophone. En ligne. https://www.agora-francophone.org/la-complexe-imbrication-des-facteurs-de-la-mise-a-l-ecole-des-filles-en-afrique

Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d’expression française en Amérique du Nord (CEFAN). 2022. Témoignage de deux enseignant·e·s au Cameroun. Programme CLÉ ; CEFAN. 

Global Partnership for Education. 2020. Données sur l’éducation. Washington : Global Partnership for Education. En ligne. https://www.globalpartnership.org/fr/results/education-data-highlights#:~:text=74%20%25%20des%20filles%20ont%20achev%C3%A9,du%20premier%20cycle%20du%20secondaire

Ministère de l’éducation du Rwanda. 2018. Education Sector Strategic Plan : 2018/19 to 2023/24. Kigali : Ministère de l’éducation du Rwanda. 

Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). 2020a. Le genre dans l’enseignement : un élément essentiel de l’inclusion. Paris : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. En ligne. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000374448_fre.locale=fr

Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). 2020b. Une nouvelle génération : 25 ans d’efforts pour atteindre l’égalité des genres dans l’éducation. Paris : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. En ligne. https://fr.unesco.org/gem-report/2020genderreport 

Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). 2021. Remédier à la pénurie : Garantir un nombre suffisant d’enseignants qualifiés et soutenus en Afrique subsaharienne. Paris : Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. En ligne. https://bit.ly/3T05UjL.

Article co-écrit par Liv Cerba et Olga Houde – Équipe égalité de genre et inclusion du Programme CLÉ.

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